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Description

En septembre 2008, j’ai fini une école d’art, et mon désir de continuer à créer est vif. C’est pourquoi, je monte ce projet d’exposition afin de montrer mon travail artistique et créer des liens avec le visiteur.
Dans l’art, je suis principalement intéressée par la peinture et le dessin. Certaines personnes voient la longue histoire de la peinture comme un poids et donc préfèrent l’abandonner. Personnellement, j’aime pouvoir me placer dans cette grande famille et trouver ma propre place.

Cette exposition s’inscrit dans un processus poétique. Un arbre métallique enraciné dans la salle trouve ses feuilles grâce aux visiteurs qui les lui donnent. Ainsi, au vernissage l’arbre est nu mais au fils des visites il s’habille de feuilles pour, au finissage, devenir un arbre fleuri de dessins et de mots. Il devient une trace visible des réflexions échangées durant l’exposition. Le visiteur devient acteur du travail artistique.
Mes propres dessins qui entourent l’arbre sont comme des fragments d’un rêve qui apparaissent sur un fond bleu.
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Thémathique

Depuis, le début de ma démarche artistique, le romantisme fait part intégrante de mon travail tant par la contemplation que par mes méditations. La réflexion sur le romantisme et ses réminiscences est importante.

C’est, donc tout naturellement que mon choix s’est porté sur un aspect du romantisme allemand qui a, actuellement, une connotation un peu péjorative : “fleur bleue”. J’aimerais jouer sur la contradiction de la signification du terme qui était poétique, mais qui est devenu presque négative.

La première image qui vient à notre esprit montre: une personne sentimentaliste et quelque peu naïve qui vit seulement dans ses rêves et n’a aucun sens de la réalité. Beaucoup se satisfont de cette définition. D’ailleurs, le Larousse définit l’expression « fleur bleue » par ces mots : sentimental et romanesque.
Pourtant, le premier écrivain qui a utilisé ce terme n’est autre que Novalis dans son roman « Henri d’Ofterdingen ». Sa signification était la quête de l’idéal, du parfait, de l’amour, de la poésie. Le héros de Novalis est un poète qui se cherche. Le livre commence par un rêve qui amène le jeune Henri à découvrir une magnifique fleur bleue. Ce rêve reste en filigrane pendant tout le reste du roman.

“... une ouverture qui semblait être l’entrée d’une galerie taillée dans le roc. Il suivit un certain temps ce couloir souterrain qui le conduisit sans difficulté vers une grande salle d’où lui parvenait de loin l’éclat d’une vive clarté....il se laissa porter par le torrent lumineux qui, au sortir du bassin, s’engloutissait dans le rocher. Une sorte de douce somnolence s’empara de lui, et il rêva d’aventures indescriptibles. Il en fut tiré par une nouvelle vision. Il se trouva couché sur une molle pelouse, au bord d’une source qui jaillissait et semblait se dissiper en l’air. Des rochers d’un bleu foncé, striés de veines de toutes couleurs, s’élevaient à quelque distance; la clarté du jour qui l’entourait était plus limpide et plus douce que la lumière habituelle; le ciel était d’azur sombre, absolument pur. Mais ce qui l’attira d’un charme irrésistible, c’était, au bord même de la source, une Fleur svelte, d’un bleu éthéré, qui le frôlait de ses larges pétales éclatants. Tout autour d’elle, d’innombrables fleurs de toutes nuances emplissaient l’air de leurs senteurs les plus suaves. Lui, cependant, ne voyait que la Fleur bleue, et il la contempla longuement avec une indicible tendresse.1 ”
1. Novalis, “Henri d’Ofterdingen”, pp. 71-73

La couleur bleue revient à plusieurs reprises dans tout le roman comme une trace de “la Fleur bleue”. Tout au long du livre c’est une quête intérieure pour retrouver ce qu’il a vécu dans son rêve.
Est-ce qu’on vous a déjà traité de fleur bleue ?

Avec ma proposition, J’invite les personnes à réfléchir sur cette petite phrase. Je les implique dans le processus en leurs faisant dessiner leur première impression de l’exposition et du thème sur une petite feuille qu’ils peuvent accrocher à l’arbre qui se trouve dans le lieu de l’exposition. Les piéger peut-être dans leur vision naïve et sentimentaliste de ce terme. Les visiteurs prennent part à un processus poétique, l’arbre fleurit de dessins et de mots. Cette poésie rejoint la signification première de cette expression. Les feuilles de l’arbre sont une trace des discussions, de la vie durant l’exposition. Lors du finissage, l’arbre habillé de ses feuilles est comme un livre ouvert sur la vie de l’exposition. Par mes dessins et peintures, je fais une proposition personnelle du thème.

Cette exposition est un espace d’expressions et de paroles, d’échanges entre les visiteurs et le travail. La personne qui entre dans ce lieu, entre dans un petit monde à part où le temps semble arrêté. Elle peut s’autoriser une pause pour penser et participer au travail. Cet espace offre une possibilité de discuter, partager et regarder. Prendre du temps est un peu dépassé, mais c’est justement ce que j’aimerais offrir : du temps ! Une petite cellule détachée du monde où les règles ne sont pas celles qui régissent notre monde ! On peut les réinventer !


L’expositon

L’exposition est constituée d’une installation-sculpture, de peintures et de dessins.
La sculpture est un arbre stylisé d’une hauteur d’environ 1m 80. Cet arbre est fait de tiges en fer récupérées. Les dessins sont accrochés aux murs. Au début de l’exposition, l’arbre est nu. Des petites feuilles et des crayons sont mis à disposition des visiteurs pour qu’ils dessinent ou écrivent une phrase sur le thème de l’exposition et accrochent leurs feuilles à l’arbre. Petit à petit, l’arbre gagne ses feuilles! Les dessins et l’arbre forment un ensemble qui crée une cohérence.


Biographie

Née en 1985, vit et travaille à Lausanne et Echallens.
En 2008, elle obtient son bachelor d’arts visuels à l’ECAV,
Sierre.

« Munie d’une palette aux tons pastels, souvent grisés et grisants, Christelle B. fait ressurgir l’esprit du romantisme… En trame de fond: la solitude de l’artiste créant dans son atelier, la petitesse de l’Homme face à la Nature – est-ce pour cette raison que ses tableaux ont tendance à être suffisamment grands en taille pour parvenir à nous happer dans leurs univers? Les collines aux courbes douces, les paysages embrumés et le calme – un peu d’ennui, aussi: l’inspiration de Christelle B. lui vient des paysages de son enfance.
Elle aime rendre le spectateur actif, l’amenant à observer longtemps avant qu’il ne découvre le détail subtil qui change sa perception et qui tout à coup saute aux yeux. Abstrait ou figuratif ? Peu importe. C’est à chacun de se raconter sa propre histoire. Ce qui compte est l’état dans lequel la contemplation nous plonge.

Laisser de la place au vide. Au No man’s Land. Aux nuages. Au ciel. Au calme. Mais ne dit-on pas qu’il faut se méfier des eaux dormantes ? Car il y a quelque chose de fragile au milieu de ces gris. Un silence pesant plane.
En évoquant le monde qui l’entoure de manière sensible, Christelle B. sait jouer de sa naïveté : derrière la légèreté apparente, on devine une certaine ironie. Et un manque. Qu’elle tente de combler en s’efforçant de trouver de la poésie dans chaque chose – même la plus insignifiante. Elle rend ainsi sa beauté à ce qui en a perdu: un lampadaire, un câble électrique, un grillage de fer…tout ce qui sillonne le paysage quotidien et que l’on ne voit plus, ou qui tout au plus nous indispose.

Christelle B. aime la peinture avec une pureté rare en ces temps incertains. Infiniment, même, et jusqu’au bout des ongles - où elle en laisse toujours traîner un peu, comme pour mieux s’en rappeler. »


Milena Buckel